Une aventure coloniale...

Deux drômois expatriés aux Antilles au début du XIXe siècle


Cette page, écrite en 2000, témoigne de mes premières recherches sur l'aventure de mon ancêtre Auguste Perriollat et de son jumeau Julien aux Antilles.
Retrouvez toute l'histoire, ainsi que l'intégralité de sa correspondance retranscrite, dans le livre
De la Drôme aux Isles,
publié aux éditions TBE :
Le livre De la Drôme aux Isles


Frères jumeaux, Julien et Auguste Perriollat, cadets de mon ancêtre Théodore, naquirent tous deux en 1801 à Montrigaud, village de la Drôme.

Montrigaud

La place de l'Eglise à Montrigaud


En 1820, se dessine pour eux un projet de grande envergure: partir tenter leur chance aux "colonies".

J'ai eu la chance de pouvoir récupérer une grande partie de leur correspondance de cette époque; lettres des Antilles vers Montrigaud, essentiellement, tantôt de Julien, tantôt d'Auguste.
Ces lettres sont un reflet fidèle de leurs états d'esprit successifs: exaltés au départ, assez vite accablés par les revers de fortune, ils se montrent tantôt philosophes, tantôt révoltés devant leur condition, qui s'avère rapidement bien plus précaire qu'ils ne l'avaient espérée au départ.

Je vous propose de suivre leurs pérégrinations avec moi; au fil des lettres, vous apprendrez, comme je l'ai fait, à connaître Auguste et Julien, et vivre avec eux les différentes époques de cette "aventure coloniale"...

(pour davantage de clarté, j'ai fait figurer en rouge les parties les plus significatives des lettres)


Décembre 1822:
le départ d' Auguste


Il semble que, dès 1820, Auguste Perriollat ait déjà pris sa décision de partir s'installer aux Antilles; une lettre d'un de ses amis l'atteste (lettre 1).


Le départ doit avoir lieu de Marseille; arrivé le 25 novembre 1822, Auguste devra attendre le 30 décembre, après de multiples contretemps (mauvais temps, menaces de la guerre d'Espagne...)(lettre 2) pour pouvoir enfin s'embarquer pour Fort-Royal (actuellement Fort-de-France), capitale de la Martinique.(lettre 3)


Mars 1825:
des débuts prometteurs

Trois ans plus tard, installé à Fort-de-France, Auguste évoque, non sans une certaine fierté, ses "jolis bénéfices" et ses "fonds bien placés".
Il est même question que Théodore, son frère aîné (et mon ancêtre) vienne le rejoindre pour travailler avec lui. (lettre 4).


1826 :
le départ de Julien


En juin 1826, (lettre 5), Auguste écrit à Théodore: il a bien reçu sa lettre dans laquelle ce dernier lui apprenait que, s'installant dans le commerce de la soie à Lyon, il ne rejoindrait donc pas son frère à la Martinique. Et que c'est Julien, le jumeau d'Auguste, qui ferait le grand voyage.

Auguste communique à son frère une liste très détaillée des effets que celui-ci devra prévoir pour sa nouvelle vie aux "colonies": vêtements, accessoires... il en profite pour lui commander un chapeau, "...de forme petite, parce que ma tête l'est"...!
En septembre, il réitère ses conseils vestimentaires, et n'oublie pas toute une série de recommandations morales... (
lettre 6)

En octobre, Julien est sur le départ: il vient de faire ses adieux à sa soeur Gabrielle. (lettre 7)


1827:
l'arrivée et l'installation de Julien


Janvier 1827: après 50 jours d'une traversée pénible, Julien est enfin auprès de son frère, qu'il trouve en bonne santé, physiquement et financièrement; ils se mettent aussitôt au travail ensemble. (lettre 8)

En juillet, Julien exulte: la santé, les bénéfices, tout va bien, c'est le bonheur!
Quant au projet, un temps caressé, de faire venir son petit frère Eugène, il est pour l'instant ajourné.(
lettre 9)

En octobre, c'est Auguste qui prend la plume pour donner le feu vert à ce départ; on apprend que Julien part s'installer à Saint-Pierre; les affaires semblent se ralentir un peu. (lettre 10)


mars 1828:
le naufrage


"Nous sommes heureux!", aveu d'Auguste en janvier 1828 (lettre 11): ce bonheur sera malheureusement de courte durée.
En mars 1828, Julien vivra une très difficile expérience: un naufrage. Perdu en mer pendant 14 jours, il ne devra son salut qu'à un peu de chance et à son frère, qui fera intervenir les secours du Gouverneur.
Le contexte économique, qui empire, n'arrange rien au moral bien bas des deux frères... (lettre 12)


1829:
une année difficile


En juin 1829, Julien, de Fort-Royal, et Auguste, de Saint-Pierre, écrivent simultanément à leurs parents: Julien ne se remet toujours pas de son naufrage, et son commerce va mal. (lettre 13)
Il songe cependant à se marier et demande consentement à ses parents.

Pour Auguste, c'est aussi une période difficile du point de vue des affaires. (lettre 14)


1832 - 1833:
soucis et changements


Août 1832:(lettre 15) les deux frères sont ensemble à Saint-Pierre, car Julien a quitté Fort-Royal, ayant finalement tout perdu.

Auguste se remet tout juste d'une terrible dysenterie qui l'aura accablé durant 2 ans, et vient de se voir proposer l'administration d'une grosse exploitation à la Guadeloupe.

Les deux frères sont amers: les "injustices arbitraires" et les "tracasseries sans nombre" de l'Administration leur font douter du bien-fondé de leurs aspirations passées.
Selon eux, ce beau pays "finira par se perdre entièrement"...

En 1833 (lettre 17), Auguste écrit à sa soeur, à Valence : il est toujours à la Guadeloupe, et Julien à Saint-Pierre (Martinique), mais les deux frères restent en contact rapproché.


décembre 1834:
le "spleen" d'Auguste...


Douze ans après son départ de Montrigaud, Auguste souffre plus que jamais de solitude et d'isolement. (lettre 16)
Des créances considérables et la perte de presque tous ses gains des débuts ne peuvent qu'accentuer sa tristesse.

Il se console avec la satisfaction d'avoir trouvé une place "honorable" au sein de la plantation de canne à sucre qu'il administre en Guadeloupe, à Basse-Terre.

On apprend que Julien, toujours à Saint-Pierre, en Martinique, tâche lui aussi de remonter la pente... mais le moral semble bien bas, pour les deux frères, en cette fin d'année 1834...


1846:
le bilan de Julien


Dans une lettre à son frère Théodore, (lettre 18) Julien dresse un bilan amer de ses années d'exil: les "injustices du Gouvernement" et l'avénement de l'émancipation des esclaves lui fait redouter de se retrouver "ruiné à tout jamais".

Il s'est marié, et a un fils. Il fabrique du rhum et fait le commerce de bois de construction.

Auguste est toujours en Guadeloupe et ses affaires ne sont guère plus brillantes.
La désillusion des deux frères se confirme plus que jamais.


1849:
l'idée d'Auguste... et la désillusion


En aôut 1849, Auguste est en France: ne pouvant plus compter sur ses esclaves noirs, qui ont été émancipés, il se tourne vers les Hospices Civils de Lyon, dans l'espoir de se voir autorisé à emmener avec lui une trentaine d'enfants orphelins de 12 à 14 ans qui remplaceraient cette main-d'oeuvre qu'il a perdue. (lettre 19)

Il s'applique à décrire son exploitation avec force détails encourageants (variété de ses productions, agrément de la vie de ses futurs employés, dynamisme de son exploitation...), même s'il est probable que le tableau soit largement idéalisé pour les besoins de la cause...

La réponse ne se fait pas attendre: elle est négative.
Période sans doute alors pleine de désarroi et de doutes pour Auguste.... (lettre 20)

Et pourtant, en octobre, il semble avoir trouvé une solution: toujours à Lyon, il est sur le point de repartir pour la Guadeloupe, avec une nouvelle machine agricole, et surtout avec de futurs employés, qu'il a finalement recrutés à Montrigaud, son village natal, avec l'aide de son frère Eugène. (lettre 21)


1850:
la dernière lettre


Auguste est finalement retourné en Guadeloupe; dans une lettre à l'un de ses frères, il ne donne pas d'autre détail sur sa situation que le fait que sa production se vende mal... (lettre 22)


Epilogue


Je ne sais pas comment ont évolué les affaires d'Auguste et de Julien au-delà de cette date.

Julien est décédé peu de temps après, en 1852, à la Guadeloupe (?). Il avait 51 ans. Les Perriollat que l'on retrouvait jusqu'aux années 1960 à la Guadeloupe étaient-ils les descendants de son fils Auguste ?

Auguste, lui, est décédé à Paris en 1871, à l'âge de 71 ans, laissant un fils, lui-même décédé sans postérité à Versailles en 1940.

Quelques questions subsistent ...

à Basse-Terre, existerait un "cours Perriollat"; et à Vieux-Habitants, non loin de là, une ancienne exploitation caféière, qui se visite encore aujourd'hui, nommée "La Grivelière"... nom de la maison de famille des Perriollat à Montrigaud!... Il semble en effet que les Perriollat se soient implantés en ce lieu, et en aient quelque temps dirigé l'exploitation, avant de céder leurs biens... quand, comment, je l'ignore encore.

A noter également qu'à la Martinique, tout près du François, se trouve un lieu-dit baptisé "quartier Perriolat" (avec un seul "l")...

J'apprécierai à leur juste valeur toute aide dans la résolution de ces dernières énigmes!

Donc: à suivre... :-)

Quelques liens pour en savoir plus...



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