Naître
à Irigny entre 1780 et 1790


A.Gilli : "le Nouveau-Né" (Musée du Petit Palais, Paris)

Entre 1780 et 1790, 363 enfants sont nés à Irigny, à raison d'une trentaine par an (26 en 1782, 43 en 1781, mais en moyenne peu de variations autour du chiffre moyen de 33).

Conceptions

Si l'on en croit le schéma de fréquence des naissances à Irigny entre 1780 et 1790, un rythme saisonnier apparaît qui traduit donc également l'existence de "pics" de conception :

Les contraintes religieuses et sociologiques qui interviennent dans cette répartition sont tempérées par l'intervention du hasard...

Ainsi, traditionnellement, les longues soirées d'hiver sont-elles plus propices aux conceptions actives : on retrouve à Irigny un "pic" relatif de naissances en octobre, correspondant à des bébés conçus en janvier, plein hiver. Le pic de janvier, correspondant à des conceptions printanières, est plus difficile à expliquer : a priori la reprise des travaux agricoles ne favorisait pas le repos, et pourtant...

  

fréquence des naissances selon le mois de l'année

Le nombre significativement bas de naissances au mois de mars peut s'expliquer par la période de procréation qui lui correspond : juin, avec ses activités agricoles importantes - même si l'on se serait attendu, comme il l'est habituellement rapporté, à une baisse des procréations en juillet et août, mois de labeur encore plus intense pour l'agriculteur.
Enfin, l'Eglise déconseillait les rapports sexuels pendant le Carême : les Irignois ne semblent pourtant pas avoir restreint leurs activités procréatives en mars, si l'on en croit le nombre non négligeable de naissances de décembre.

Naissances

Nulle part dans les registres paroissiaux entre 1780 et 1790 n'est mentionnée de sage-femme à Irigny (ni en tant que témoin, ni sujet d'un acte de mariage ou d'inhumation) ; l'accouchement se passait certainement souvent en l'absence de toute présence médicale, sauf peut-être pour les cas difficiles où c'est sans doute le chirurgien DELAVAL qui intervenait pour "delivrer" la mère ou sauver l'enfant.

délai entre le mariage et la naissance du premier enfant
  
Sur 46 données exploitables, on peut établir que 54 % des naissances ont lieu immédiatement après le mariage : de 9 à 12 mois après la date des noces.
Dans 19 % des cas, l'enfant tarde à arriver et ne naît que plus tard, dans un cas plus de trois ans après le mariage de ses parents - sans pouvoir totalement exclure la naissance "oubliée" d'un premier-né non inscrit sur les registres...

Le chiffre des naissances "hors mariage" est relativement élevé puisqu'il s'élève à 26 % - plus d'un mariage sur quatre !
Pendant cette décennie à Irigny ont défilé devant l'autel des femmes aux grossesses des plus précoces ... aux plus flagrantes (7, 8 ou 9 mois!)


Quelques exemples...
  • Elisabeth, fille de Noêl PITHIOT et Jacqueline PONCET, naît 3 mois après le mariage de ses parents, en mars 1783
  • Le premier-né du couple Pierre CARRIER x Anne BERNOLIN naît en novembre 1784 ... le lendemain du mariage :)
  • Quant à Marguerite CHAMARRON, elle est baptisée le 5 novembre 1788, et ses parents se marient .. le 18.
 
  Etiennette BLANC, soeur aînée de mon ancêtre Pierre BLANC (Sosa 78), naît le 28 août 1791, soit ... 3 mois après le mariage de ses parents .. 28 ans plus tard, Pierre se retrouvera dans la même situation en épousant sa femme un mois après la naissance de leur fille ! Atavisme ou tradition? ;)
 

Sur la période considérée, une dizaine de mariages semble être restée sans postérité jusqu'en 1790. Mais il ne faut pas oublier de tenir compte des ménages qui partent s'installer dans une autre commune. D'autre part 3 de ces mariages "stériles" sont des remariages : l'âge des conjoints, la présence d'autres enfants sont des facteurs de limitation des naissances dans ces couples.

Les familles sont nombreuses ; on compte fréquemment plus de 5 enfants par famille. Il faut dire que certaines familles sont très prolifiques : ainsi le couple Françoise DANA et Jean MADINIER a-t-il, en 1781, 2 enfants : un né en janvier ... et l'autre en décembre !
Les femmes ont des enfants très souvent, et pendant longtemps : ainsi la petite Philiberte COIGNIAT est-elle baptisée en mai 1790, 24 ans après le mariage de ses parents.

Une curiosité...!
le 24 avril 1786 naît et est baptisé le petit Jean Louis CHALAMEL ... et l'on découvre 2 actes plus loin le baptême de sa soeur Christine CHALAMEL "née et baptisée le 25 avril 1786" !
On aurait pu envisager une naissance de jumeaux qui se soit prolongée dans la nuit, un jumeau naissant avant minuit, l'autre après... mais pourquoi avoir baptisé chaque enfant séparément ? Ceci semble indiquer que Jean Louis serait né suffisamment tôt dans la journée du 24, afin que le baptême ait été possible dans la journée... mais alors Christine serait née de longues heures après lui? ...Mystère !

Les jumeaux
Entre 1780 et 1790 sont nés à Irigny 5 couples de jumeaux. Quatre sont des jumeaux garçon-fille, le cinquième, deux garçons.
La survie de ces enfants, sans doute pénalisés dès la naissance par leur petit poids, n'est pas bonne : le couple de jumeaux garçons aura juste le temps de recevoir le sacrement du baptême avant de décéder, ensemble, le lendemain de sa naissance ; dans 3 autres cas, un des deux jumeaux décédera à la naissance et sera inhumé sans prénom après avoir été ondoyé, ou décédera avant l'âge de 6 mois; enfin dans un cas seulement, les deux jumeaux - en l'occurence Damien et Claudine BOUCHARDON, nés et baptisés le 1er janvier 1788, sont toujours en vie en 1791.

Baptêmes

Le baptême est un événement important de la vie; il est administré dans les tout premiers jours de vie, si possible même le jour de la naissance.
La mère n'est jamais présente, elle est restée chez elle pour se remettre de l'accouchement. C'est le père qui présente l'enfant sur les fonts baptismaux, accompagné des parrain et marraine.

H.Salentin : "Retour de baptême" (V&A Museum - Londres)

Traditionnellement, le premier-né d'une famille a pour parrain son grand'père paternel et pour marraine sa grand'mère maternelle. S'ils sont décédés, oncles, tantes et cousins prennent le relais et souvent, dans les familles très nombreuses, les enfants aînés sont les parrains et marraines de leurs jeunes frères et soeurs.

Dans les familles plus riches ou plus élevées socialement, le parrain peut être choisi parmi les relations sociales ou professionnelles des parents : ainsi, quand le notaire Jean-Marie COQUARD baptise ses deux premiers enfants, en 1785 et en 1787, il choisit pour parrain de son premier Joseph DELAVAL, le chirurgien d'Irigny, et pour marraine l'épouse d'un marchand de Lyon; pour son deuxième enfant, c'est la veuve d'un "Bourgeois de Lyon" qui sera la marraine - sans qu'il soit cité de lien de parenté : relations sociales donc, et non familiales.


C'est, dans presque tous les cas, le prénom du parrain ou de la marraine qui détermine celui de l'enfant - ce qui explique la pérennité de certains prénoms "originaux" dans le village tels que Martine, Dorothée ou Melchior.

Une curiosité, ici encore!

Le 23 janvier 1785, est baptisée "Gabrielle, fille legitime de Pierre GUILLOT et Françoise MEILLAND, née le 22"

... Pas de problème jusqu'à ce qu'on découvre son acte de décès, l'année suivante, ainsi rédigé : "le 23 septembre 1786 a été inhumé Gabriel GUILLOT, fils légitime etc...."

Un "changement de sexe" qui aurait sans doute été à l'origine de quelques problèmes si l'enfant avait survécu assez longtemps pour pouvoir désirer se marier...!

et ... une exception?
Le 19 décembre 1784 est baptisé Jean François Toussaint BEAUSSE (?), né le 16, soit trois jours plus tôt ... c'est le seul cas, dans ces 10 années de BMS, où le baptême tarde tant à être célébré. Plusieurs hypothèses:

  • le baptême a eu lieu un dimanche : a-t-on souhaité attendre ce jour-là pour une raison particulière?
  • a-t-on voulu attendre la disponibilité des parrain et marraine (l'un venant d'un village voisin, mais l'autre, de Lyon)?
  • l'enfant aurait-il été ondoyé à la naissance ? - mais nulle trace dans les registres...
  • on ne peut, en tous cas, penser à une absence momentanée du curé : un baptême et une inhumation sont datés du 18 décembre.
  • il faut enfin considérer le fait que les parents de cet enfant ne sont pas d'une famille d'Irigny : nulle part dans les BMS de 1780 à 1790 on ne retrouve mention de ce patronyme ... peut-être alors s'agit-il d'un bébé d'une paroisse voisine, qui n'avait pu être baptisé dans son village natal, d'où ce délai de 3 jours ?

Prénoms donnés aux nouveaux-nés


Entre janvier 1780 et décembre 1790, 212 petites filles ont reçu un prénom à Irigny.
Les "classiques" Marie et Jeanne dominent; mais quelques prénoms (Dorothée, Claire, Martine) rompent la monotonie...

Marie 26
Jeanne 19
Marguerite 14
Pierrette 12
Françoise 10
Benoîte, Claudine 7
Elisabeth 6
Antoinette, Gabrielle 5
Catherine, Nicole 4
Christine, Claire, Etiennette, Guillemette 3
Barthélémie, Ennemonde, Fleurie, Hélène, Jacqueline, Louise, Michelle, Philiberte 2
Alexandrine, Charlotte, Dorothée, Eléonore, Jaqueme, Madeleine, Martine, Suzanne    1

Dans le même temps, seulement 152 petits garçons sont nés -et ont survécu assez longtemps pour être prénommés :

Pierre 30
Jean 26
Claude 15
Antoine 11
Etienne, François, Jacques, Jean-Baptiste 10
Jean-Marie 9
Jean-Claude, Joseph, Laurent 6
Jean-François 5
Benoît, Louis 4
Barthélémy, César, Jean-Pierre, Justinien 3
Abraham, André, Ennemond, Fleuri, Jean-Louis, Marcelin 2
Aimé, Ambert, Arnaud, Damien, Geofroi, Georges, Guillaume, Hugues, Jacques, Jérôme, Julien,
Marc, Mathieu, Melchior, Michel, Nicolas, Odot, Philippe, Salomon, Sébastien, Simon, Zacarie    
1

Pierre et Jean, bien sûr, sont les favoris.
Outre l'importance de l'attribution de prénoms composés (en Jean-..), il est à noter que les Irignois semblaient plus inspirés pour trouver des prénoms variés à leurs fils qu'à leurs filles ... !

Le choix du prénom se conforme bien souvent aux usages:

- le premier-né d'une famille porte le prénom de son grand-père paternel, qui est aussi, s'il est encore vivant, son parrain
- il est fréquent de voir un enfant prénommé de la même façon qu'un de ses frère ou soeur aîné(e), que ce dernier soit décédé ou non :

Quelques exemples...

  • le couple Damien MORIN x Isabelle PERRACHON donne pour marraine à sa fille Hélène, née en 1780, sa grande soeur Hélène, et à sa fille suivante, Etiennette, née en 1787, sa grande soeur ... Etiennette!
  • De même, lorsque Pierre GUILLOT décède en septembre 1789, ce sont ses deux fils Pierre et ... Pierre qui sont présents à l'inhumation:

  • Enfin, en 1784, le petit Jean-Baptiste COIGNIAT a pour parrain son grand frère, "aussi Jean-Baptiste" ...

 
  Mes ancêtres Pierre BLANC et Jeanne PREMIER n'ont guère été plus inspirés en choisissant les prénoms de leurs 9 premiers enfants, nés entre 1791 et 1809 : mise à part une "originale" Etiennette, on comptera deux Pierre et une Pierrette, deux Françoise, un Jean et deux Jeanne ...
 

Tout ceci limitait bien évidemment l'"éventail" des prénoms donnés aux enfants...

Les enfants sans prénom...

Il s'en rencontre au fil des registres... Ce sont des nouveaux-nés, décédés à la naissance, parfois mort-nés, à qui les parents n'ont pas donné de prénom puisque n'ayant pu les faire baptiser.
Ce cas s'est présenté, à Irigny, entre 0 et 3 fois par an (jamais en 1780, 85 et 86, 3 fois en 1783 et 1789) . L'enfant a, dans tous les cas, été ondoyé la veille, immédiatement après sa naissance.
Le registre fait état de l'inhumation d'"un enfant décédé hier après avoir été ondoyé", donne le nom de ses parents et ne précise qu'environ 2 fois sur 3 le sexe du bébé.

Un certain nombre d'autres enfants décédés dans leurs tout premiers jours de vie sont, eux, enterrés sous leurs nom et prénom... seule différence avec ces anonymes : ils ont eu le temps d'être baptisés...



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