Vivre
à Irigny entre 1780 et 1790


L.A.Lhermitte : "la paye des moissonneurs" (Musée d'Orsay)

La population

En 1792, 290 contribuables étaient recensés dans le village.
Outre les "non-contribuables", les enfants ne sont bien sûr pas comptabilisés, mais il faut savoir qu'un certain nombre d'entre eux étaient de petits Lyonnais mis en nourrice chez des Irignois.

L'irignois "moyen", en cette fin de XVIIIe siècle, est cultivateur, souvent vigneron, et souvent propriétaire. Il est allé à l'école (on trouve beaucoup de signatures sur les registres) et a des contacts réguliers, qu'ils soient professionnels ou personnels, avec les habitants de Lyon.

Les métiers


Sur la période 1780-1790, tous actes confondus, la profession est citée 149 fois.
Comme la majorité de la population rurale française de l'époque, une grande partie des habitants d'Irigny sont cultivateurs; hormis un seul laboureur et trois grangers, la presque totalité est représentée par des vignerons.
Le "vigneron" de l'époque n'était pas nécessairement un agriculteur n'exploitant que de la vigne ; la plupart d'entre eux possédait d'autres terres cultivées, et exploitait parallèlement quelques vignes.
Il est quand même intéressant au passage de noter qu'à l'époque, Irigny était donc semble-t-il riche en vignobles, alors que de nos jours pas un n'a subsisté : ceux des Côtes-du-Rhône et du Beaujolais commencent aujourd'hui légèrement plus au Nord: urbanisation, qualité insuffisante du vin, un certain nombre de raisons peuvent être évoquées...
  
les vendangeurs

le voiturier par eau
  
La situation géographique d'Irigny est à l'origine de la présence dans le village de deux catégories de professions:

- la proximité du Rhône explique l'existence de deux voituriers par eau, aussi cités en tant que "voituriers sur le Rhône". Profession qui pouvait apparemment se transmettre de père en fils puisque Pierre MYON, "voiturier sur le Rhône" vivant en 1790, est le fils d'Arnaud MYON, décédé avant 1790 et lui-même également "voiturier sur le Rhône".
Toutefois deux autres Irignois, Pierre COING et Louis DUCREUX, eux aussi "voituriers par eau" à la même époque, ne semblent pas apparentés.

- la proximité de Lyon explique la relative fréquence des métiers de la soie : sont cités, à de nombreuses reprises, des ouvriers en soye,fabricants de soye, fabricants d'étoffes (ou de bas) de soye, avec parfois la précision "à Lyon" ou même encore mention de la paroisse lyonnaise où se situait ce travail : Saint-Nizier, Saint-Pierre-Saint-Saturnin sont les deux citées.
Il apparaît donc que de nombreux Irignois allaient quotidiennement travailler à Lyon, soit à une quinzaine de kilomètres, dans les ateliers des "fabricants" de soie situés à l'époque à la Croix-Rousse, à Lyon.
Le terme "fabricant" utilisé sur les registres signifie-t-il que certains d'entre eux possédaient leur propre atelier? Il est permis de le penser au vu de certaines mentions telles que "marchand fabricant à Lyon", même si a priori les "fabricants", aussi appelés "soyeux", demeuraient à Lyon, au bas des pentes de la Croix-Rousse sur lesquelles se trouvaient les ateliers qui employaient leurs ouvriers.
 
  César FAVRE, frère de mon ancêtre, est dit "ouvrier en soye à Lyon" lors du mariage de son frère Jean duquel il est témoin en 1772.
 
  
atelier d'ouvriers en soie

Irigny est un village assez important : d'assez nombreux commerçants et artisans y exercent leur art, notamment

  • 1 boucher
  • 1 papetier
  • 1 charpentier
  • 1 menuisier
  • 1 épicier
  • 1 maréchal ferrant
  • 1 pâtissier et 1 "maître pâtissier traiteur"
  • 2 meuniers
  • 2 serruriers
  • 2 maçons
  • 1 tailleur et une tailleuse
  • 1 tisserand
  • 1 livreur de corde
  • 2 peigneurs de chanvre
  • 1 marchand fabricant
    et 3 négociants à Lyon (dans la soie sans doute?)
  • des marchands de dentelles, de vin, de poil ...
  • 4 boulangers
  • 4 tonneliers
  • ... et 8 cordonniers !

Le nombre élevé de tonneliers évoque une importante activité viticole au village ; la profession semble se transmettre de père en fils puisque François LOUIS, tonnelier qui décède en 1787, est le fils de Jean-Marie LOUIS, toujours vivant en 1790 et lui aussi tonnelier.
Les 8 cordonniers et les 4 boulangers sont sans doute le signe d'une importante population active et laborieuse.

Chez les boulangers, la transmission familiale semble être de règle :

 
  Mon ancêtre Gaspard PREMIER (Sosa n°314) boulanger, épouse Etiennette CHIZAT; leur fille Jeanne épousera en 1791 Pierre BLANC, mon Sosa n°156, lui aussi boulanger (employé du père qui séduisit la fille?). La mère, Etiennette, devenue veuve précocément, se remariera avec Joseph LAGER, également boulanger : leur fils Christophe deviendra à son tour ... boulanger !
 

On note toutefois l'existence, signalée à cette période, d'au moins 2 autres boulangers qui ne semblent pas avoir de liens familiaux avec ceux-ci : Guillaume VACHER et Benoît BOUVARD.

Un des oncles paternels de Pierre, César, est tonnelier, et deux de ses oncles maternels sont maçons, et eux-mêmes fils de maçon.


le boulanger

Irigny possédait un château : c'est ainsi que l'on trouve cités 4 jardiniers dont Claude COULLIARD, "jardinier au château du Seigneur d'Irigny", de même que 4 domestiques - même si rien n'indique que c'est au service du châtelain qu'ils aient travaillé.

Le chirurgien était une personne importante du village : possédant les instruments nécessaires, c'est lui qui pratiquait les saignées prescrites par le médecin; il aidait également les femmes en couches.
A Irigny, Joseph DELAVAL, exerça de 1773 à 1800.
En 1781, se marie à Irigny Martin CHIRAT, dit "étudiant en chirurgie originaire de La Guillotière", avec une fille du village : peut-être DELAVAL était-il assisté par cet étudiant?

Autre personnalité, le notaire : à Irigny c'est Jean-Marie COQUARD qui exerçait la fonction de "Notaire royal" à cette période.
Bien que domicilié à Irigny, ce dernier conservait des liens étroits avec la "Bourgeoisie" lyonnaise, représentée entre autres par certains membres de sa famille, dits "Bourgeois négociants" ou "marchands fabricants" à Lyon: tous ses enfants auront pour parrains et marraines des représentants de cette Bourgeoisie, à l'exception de sa première-née, baptisée en octobre 1785, qui aura pour parrain le chirurgien Joseph DELAVAL.

Enfin, le maître d'école Laurent ROUX dit BONNEFOY est cité le 16 mars 1781, à l'ocasion de son inhumation dans le cimetière d'Irigny.

Les patronymes


Sur la période 1780-1790, les 4 patronymes les plus fréquemment rencontrés sont peu spécifiques :
FAVRE, BRUNET, BLANC, BESSON.

On rencontre cependant avec une forte occurence certains autres patronymes, dont la répartition géographique est caractéristique de la région lyonnaise - tous sont encore aujourd'hui portés dans la région et certains même encore à Irigny.

Voici quelques-uns de ces patronymes "locaux" :

DELHOPITAL (variante : LHOPITAL)

Peut désigner celui qui travaillait dans un hôpital, mais plus souvent celui qui habitait le lieu-dit l'Hôpital ou en était originaire. Les hôpitaux, au moyen âge, étaient des établissements religieux recevant des pauvres, ainsi que des pèlerins. Le patronyme Lhopital, présent un peu partout en France, est surtout représenté dans le Rhône.

Il existe encore 2 familles LHOPITAL à Irigny.

POIZAT (variante : POISAT)

Fréquent dans la région lyonnaise (69, 42, 38), c'est un toponyme avec le sens de petit puits. Plusieurs hameaux s'appellent (le) Poizat, notamment dans la Loire. C'est aussi le nom d'une commune de l'Ain.
CHANA (variantes : CHANAS, CHANAT)

Le nom est porté dans la région lyonnaise (42, 69). Il peut désigner un broc, mais c'est le plus souvent un toponyme, nom entre autres d'un hameau à Saint-Just-Chaleyssin (38). Pour le sens, on hésitera entre un canal (le hameau de Chana est appelé la Chanal au XIIIe siècle) et un lieu où pousse le chêne.
PUPIER (variante : PUPPIER)

Assez fréquent dans la région lyonnaise (38, 42, 69), le nom s'est écrit aussi Puppier. Aucune certitude, mais on peut penser à un toponyme évoquant le peuplier (cf. l'italien pioppo).
CHIZAT (variante : CHIRAT ?)

Porté dans la Drôme et le Rhône, c'est un toponyme, mais je ne trouve aucune forme qui corresponde. Il pourrait s'agir d'une variante de Chirat, et si le nom est bien originaire de la Drôme on pensera à l'ancien fief de Chirat (Chirac), à Beaumont-lès-Valence.


Il existe encore 3 familles CHIZAT et 2 CHIRAT à Irigny.

VAGANAY (variante : VAGANAI ?)

Nom porté dans la région lyonnaise (69, 42, 38). Variantes ou formes voisines : Vaganey, Vaganet, Vaganel. Il s'agit d'un toponyme : le Vaganay est un hameau à Tupin-et-Semons (69), Vaganey et Vaganel sont aussi des hameaux aux Haies (69) et à Chalmazel (42). Signification : sans doute des terres incultes, des vacants communaux.

Une famille VAGANAY existe encore à Irigny.

Sources onomastique : http://www.jtosti.com/noms - abonnés au téléphone : www.annu.com

 
  Etiennette CHIZAT, née vers 1730 à Irigny, est mon Sosa 315. Epouse du boulanger d'Irigny, elle est présente au mariage de sa fille Jeanne en 1791; un VAGANAY figure parmi les témoins.
A la naissance de son petit-fils Pierre, en 1793, est présent Jean POIZAT, vigneron; pour sa petite-fille Pierrette, c'est un PUPIER, oncle par alliance, qui co-déclarera la naissance.
 



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