Marseille, 30 décembre 1822


Mon très cher Père,

Forcé par le mauvais temps de séjourner à Marseille jusqu'à ce jour, j'ai été obligé de prendre encore vingt cinq francs de chez Mr Robert. Je ne m'attendais pas comme je vous l'ai dit dans mes lettres à passer ici les fêtes de Noël car le vingt, qui après tous les renvois imaginables avait enfin été désigné plusieurs jours d'avance pour l'embarquation, le capitaine nous ordonna de porter nos malles à bord et de faire nos petites provisions pour la mer.
La veille, je suivis ses ordres et je fis comme les autres. J'employai la majeure partie de mon argent à ces emplettes dont j'ai parlé et le reste à mes petits besoins, sans faire aucune folle dépense.
Le vingt arrivé et les jours suivants, le mauvais temps s'étant tellement succédé, nous n'avons pu partir et nous avons néanmoins toujours été forcés de vivre à nos frais, jusqu'à ce jour que je vous écris du bord.

Mon très cher père, je vous prie expressément de faire compte de cette somme encore à Mr David. Mais comme je sais que ce serait abuser de votre bonté de vous faire payer les disgrâces qui m'arrivent, si vous ne voulez pas me faire un cadeau de cela (ce que je ne crois cependant pas), du moins payez-le pour mon compte comme vous avez déjà fait pour ne pas me faire perdre et à toute la maison la confiance que la maison de Mr Robert a en nous.

Ne reprochez pas en moi comme paresse et plaisir de vivre sans rien faire le temps que j'ai passé à Marseille parce que depuis le vingt cinq du mois dernier, époque où le travail a un peu repris, nous avons toujours été renvoyés de huit jours en huit jours à cause de la guerre d'Espagne, et ensuite par le mauvais temps, lorsque tout a été prêt de manière que je disais qu'il ne valait pas la peine de m'aller abîmer pour travailler à peine cinq à six jours.

Je ne réitérerai pas les adieux que j'ai faits dans ma dernière lettre; le commencement d'une nouvelle année m'offre quelque chose de plus agréable. Le peu de temps que j'ai à disposer ne me permettant pas non plus de faire de longs compliments, je dirai donc que je vous aime tous de tout mon coeur.
Que le Ciel vous donne des années longues et heureuses et qu'il exauce mes souhaits; vous n'en formerez aucun qui ne soit aussitôt accompli!

Adieu Père et mère, soeurs et frères.
Je suis, mes très chers parents, pour la vie, votre très humble et dévoué fils.


Auguste Perriollat

On présume que la guerre d'Espagne n'aura pas lieu et c'est à désirer pour le commerce des colonies.


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