Solange et François
4 avril 1942

Charly Eyer Raymonde Méot épouse Charly Eyer Daniel Eyer Frédéric dit Freddy Eyer Robert Eyer Pierre Eyer Simone (x) épouse André Geinoz André Geinoz Aloïs Geinoz Oscar Geinoz Jeanne  Boban Jean Eyer Pauline Geinoz Marguerite Eyer épouse Geinoz Léon Geinoz (x) épouse Léon Geinoz François Eyer Solange Gilson, épouse François Eyer Elise Favre épouse Christian Eyer Hippolyte Geinoz Christiane Schaeffer Raoul Schaeffer Yvonne Gilson épouse Schaeffer Madeleine Schaeffer Fritz Eyer, père du marié Frieda Hug épouse Fritz Eyer, mère du marié Ali Gilson, père de la mariée Marthe Vinot épouse Ali Gilson, mère de la mariée Marie Bertha Eyer Christiane Eyer Roger Geinoz Annie Schaeffer


François, celui qui allait devenir mon mari, était Suisse. Sa famille était venue chercher du travail en France dans les années 30 et s'était installée en Bourgogne. Il avait 25 ans, moi 18; je travaillais à Is-sur-Tille, dans une épicerie, et c'est là que je l'ai rencontré. Il venait souvent voir mon patron, s'étant lié d'amitié avec lui, et a fini par remarquer la vendeuse... Après quelques mois de cour (une cour pas si facile que ça pour lui!), j'ai fini par accepter qu'il demande ma main à mon père, ce qui s'est fait en mon absence pour couper court aux "ricanements" que je lui avais promis à cette occasion!

Nous nous sommes mariés un samedi de printemps, pendant la guerre, le 4 avril 1942.
La photo est prise devant la ferme des Rentes du Seuil, domicile de ma belle-famille, où j'allais alors m'installer.
La moitié au moins des invités n'étaient pas de la famille: en ces temps difficiles, un mariage était toujours la promesse d'un bon repas et l'occasion d'oublier le quotidien en faisant la fête, et un certain nombre d'"étrangers" s'étaient joints à nous.
De ma famille n'étaient présents que 5 personnes: mes parents, ma soeur et son mari, et ma cousine, qui était ma demoiselle d'honneur. Beaucoup d' hommes, dont mes frères Albert et René, manquaient à l'appel, ayant dû partir au combat.
Mon mari avait auprès de lui trois de ses frères; étant Suisses, ils n'avaient pas été obligés de partir. Il y avait aussi la famille du mari de l'une de mes belles-soeurs, une autre famille suisse émigrée en Bourgogne à la même époque.

Ma robe de crêpe était magnifique: nous n'avions pas beaucoup d'argent, mais quelque temps auparavant nous avions sauvé de la Gestapo deux fils d'une riche famille dijonnaise propriétaire du plus grand magasin de la ville, le Pauvre Diable. En remerciement, les parents nous offrirent ma robe de mariée, mes chaussures et mon voile, ainsi qu'une paire de draps pour mon trousseau.

J'avais passé la nuit précédente chez ma patronne, à Is-sur-Tille, et le cortège avait traversé tout le village.
Le mariage civil a eu lieu en début de matinée, puis nous nous sommes dirigés vers l'église pour la cérémonie religieuse. François étant protestant et moi catholique, il avait été vérifié que nous pourrions être mariés "au petit autel", à l'église. Nous voilà donc tous engouffrés dans l'église, en retard (comme pour tout mariage qui se respecte); le curé nous attendait, nous fait remarquer notre retard et déclare: "aucun protestant dans l'église!". Personne n'en tient compte et tout le monde continue de s'installer. Le curé, pris de colère, refuse alors de célébrer le mariage, refuse de bénir les alliances, et se limite à nous demander notre consentement, si bien que les derniers du cortège entraient dans l'église alors que les premiers en sortaient déjà!
C'est à ce moment que j'ai décidé que mes enfants seraient protestants!

Cette cérémonie éclair ne m'a pas contrariée plus que ça... nous avons eu plus de temps pour prendre l'apéritif!
Et puis je m'appelais enfin "Madame" et c'était une grande satisfaction!

Ensuite, juste après la photo, nous avons tous mangé dans la grande pièce de la ferme, que nous avions débarrassée pour l'occasion. La fête a duré jusqu'au lundi au moins...

Le mardi, j'ai dû me rendre à l'évidence du fait que j'étais bien mariée: mon époux m'a amenée à la carriole attelée et m'a annoncé que dorénavant c'est moi qui irais livrer le lait tous les matins à Is-sur-Tille... Je n'avais jamais approché un cheval de ma vie mais j'étais bien trop orgueilleuse pour le montrer! Je suis donc partie avec ma carriole et le cheval.. et j'ai toujours été persuadée que ce matin-là c'est lui qui a livré le lait! Il connaissait par coeur le chemin... j'ai d'ailleurs été surprise qu'il fasse quelques haltes aux bistrots du village!

Solange - novembre 2000   



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